Ce n'est pas tout à fait pour demain mais toutes les
annonces des constructeurs
automobiles et des acteurs technologiques de la mobilité convergent : la
voiture, d'ores et déjà connectée, n'aura plus vraiment besoin d'ici une dizaine d'année d'être conduite. Pour les millions de personnes qui passent chaque jour des heures dans leur voiture, notamment pour des trajets domicile-travail, c'est la promesse d'une reconquête des temps de transit jusqu'ici monopolisés et stérilisés par l'attention à accorder à la conduite.
En passe de devenir un automate autonome, enrichie de capteurs surveillant aussi bien l'état du véhicule que celui de la circulation, la voiture individuelle proposera très rapidement à ses utilisateurs des services dont on commence à peine à entrevoir l'étendue mais qui vont transformer radicalement le rapport des individus au véhicule ainsi qu'à l'
espace et au temps.
Dès lors que l'attention du conducteur n'est plus requise pour piloter le véhicule, il devient possible non seulement de téléphoner en voiture sans le moindre risque et sans être en infraction mais aussi, sous réserve que la capacité et la couverture des réseaux suivent, d'y commencer sa journée de travail : participer à une vidéo conférence, finir de préparer la réunion à laquelle on se rend, etc. Sur le trajet programmé, votre voiture ne manquera pas de vous rappeler que vous devez déposer ou récupérer des vêtements au pressing, ou de vous signaler qu'un créneau s'est libéré ce soir à 18h00 au cours d'aquagym le plus proche de votre dernier rendez-vous. Si vous n'avez pas de place de parking attitrée, elle vous signalera évidemment les places disponibles les plus proches. Vos temps de transit cesseront ainsi d'être des temps d'impossibilité et de césure. Ils s'inscriront dans la continuité de votre vie, au sein d'un espace privé mobile, totalement personnalisable en fonction de l'utilisateur et de l'utilisation.
Il est très probable du reste que cette voiture là ne vous appartiendra pas en propre : vous l'utiliserez en fonction de vos besoins, sur abonnement ; vous la partagerez avec d'autres, connus ou inconnus, tout en ayant la possibilité d'y retrouver instantanément votre univers familier ou d'en créer un nouveau : en montant à bord, vous retrouverez, grâce au transfert des données de votre smartphone vers l'ordinateur de bord, aussi bien vos réglages de siège, de tableau de bord et de température ambiante que vos itinéraires ou vos applications favorites. Rien n'interdit de penser, avec l'apparition de nouveaux matériaux et revêtements " intelligents ", que vous ne pourrez pas aussi changer à votre guise et à chaque usage la couleur de l'habitacle et de la carrosserie !
La disponibilité du véhicule, que ce soit pour une période longue ou courte, sera gérée à distance par des prestataires gestionnaires de flotte. C'est potentiellement la fin de des
voitures individuelles sous-utilisées, celles qui ne servent que deux heures par jour à leur propriétaire et qui mobilisent un nombre incalculable de places de parking. La supervision technique continue des véhicules renforcera la sécurité et la prévention des pannes. Vous n'aurez pas à vous en soucier : les véhicules disponibles seront en parfait état de marche, ceux présentant le moindre risque ou signe de défaillance étant automatiquement retirés des plannings et dirigés vers les centres de maintenance. Et si jamais vous tombiez en panne, rassurez-vous : votre prestataire de services s'occupera de tout : il assurera le dépannage et vous enverra une voiture pour vous conduire à bon port. La différence avec ce qui passe aujourd'hui ? Cette voiture n'aura peut-être pas de conducteur et vous pourrez reprendre le film que vous regardiez là où vous l'aviez laissé !
Tout cela est très séduisant et relève à peine de la science-fiction sur le plan technologique. En revanche, personne ne sait dire aujourd'hui quel sera le business model de l'écosystème de la voiture servicielle. Mais nous pouvons d'ores et déjà imaginer quels en seront les acteurs clés : géants du divertissement, incontournables de la toile mais aussi assureurs et assisteurs. L'autre élément indispensable au succès de son développement sera l'exploitation et la monétisation des données - du véhicule et de ses utilisateurs - une fois de plus au cœur de la bataille concurrentielle.
Pour devenir l'emblème d'une nouvelle économie servicielle, tournée vers l'accessibilité plutôt que la possession, la voiture devra inventer un modèle éthique qui propose des services personnalisés tout en garantissant la protection des données personnelles. Pour l'heure, je continue d'être un adepte du vélib dans mes trajets quotidiens en attendant le vélo serviciel !
Tribune libre rédigée par Rémi Grenier, CEO d'Allianz Global Assistance
Tribune libre rédigée par Rémi Grenier, CEO d'Allianz Global Assistance, écrit le 22/03/2015