Influencé par des tendances internes et externes, le secteur
automobile subit actuellement une transformation significative, s'éloignant de ses racines manufacturières traditionnelles pour entrer dans une nouvelle ère où l'intégration numérique est primordiale. Ce changement fût dans un premier temps motivé par le développement du
véhicule autonome, pour évoluer dans un second temps vers le véhicule conçu autour du logiciel (Software-Defined Vehicle, ou SDV).
Bien que le logiciel soit omniprésent dans notre quotidien, notamment via nos smartphones, les SDV restent encore des plateformes relativement fermées. Ces véhicules nouvelle génération qui peuvent contenir jusqu'à 100 millions de lignes de code surpassent largement la complexité d'un avion commercial (environ 15 millions de lignes). D'ici 2030, on estime que ce chiffre pourrait atteindre 300 millions, en raison de l'évolution des fonctions autonomes, des systèmes d'info-divertissement avancés et de la connectivité accrue. Cette complexité croissante représente un défi majeur pour les constructeurs
automobiles, nécessitant une maîtrise approfondie de l'ingénierie logicielle et matérielle. Malgré ces obstacles, les perspectives offertes par les SDV sont extrêmement prometteuses pour l'avenir de l'industrie automobile.
De l'industrie matérielle à l'industrie logicielleLa course à l'automatisation des véhicules pousse les constructeurs à déployer des SDV capables de traiter des volumes massifs de données en temps réel pour prendre des décisions en
conduite autonome. Une étude de McKinsey datant de 2021 prévoyait que d'ici 2030, environ 95% des nouvelles
voitures vendues dans le monde seront connectées à des plateformes de données, ce qui en fait des SDV partiels ou complets.
Le Software-Defined Vehicle incarne un changement radical dans l'industrie automobile en transformant les voitures en plateformes logicielles évolutives : un même matériel peut être utilisé pour différentes fonctions, ce qui permet de réduire les coûts de fabrication tout en améliorant la flexibilité du véhicule. Les constructeurs l'ont bien compris :
Audi et
Volkswagen ambitionnent de finaliser le développement de leurs premiers modèles de véhicules définis par logiciel d'ici 4 ans, 2 ans pour
Renault.
Mais pour arriver à capturer la valeur de ce modèle, il faut déjà se concentrer sur la technologie : les véhicules définis par le logiciel sont des véhicules hautement connectés. Ce qui signifie qu'ils utilisent des logiciels pour contrôler et améliorer leurs
performances, pour permettre des mises à jour à distance (Over-the-Air, ou OTA), et pour intégrer de nouvelles fonctionnalités de manière dynamique. La centralisation de la gestion des différentes fonctions du véhicule est une étape certes technique, mais indispensable pour tirer le meilleur du SDV.
Vers une architecture logicielle centraliséeL'avantage concurrentiel de demain pour les OEM réside dans la plateforme logicielle. L'architecture logicielle centralisée représente par conséquent l'objectif à atteindre car, dans le cadre des SDV, elle permet non seulement de gérer de manière plus efficace et flexible les fonctionnalités croissantes des véhicules modernes, mais elle s'impose aussi comme une nécessité pour répondre aux exigences de connectivité, de cybersécurité et d'évolutivité des véhicules de demain. Cette architecture modulaire permet de répondre à deux enjeux principaux : la réduction de la complexité matérielle et l'interopérabilité des composants.
Traditionnellement, les véhicules modernes utilisent des centaines d'unités de contrôle électronique (ECU) pour gérer des fonctions spécifiques (par exemple la gestion du moteur, des airbags, l'infodivertissement, etc.). Une architecture centralisée permet de réduire ce nombre – et donc la complexité matérielle – en consolidant ces fonctions sur des plateformes informatiques plus puissantes et partagées. Réduire les ECU rend également plus facile les mises à jour logicielles à distance (Over-the-Air), car il y a alors moins de points de défaillance et d'interactions complexes entre les unités de contrôle. Tesla a été pionnier avec ses mises à jour OTA, et d'autres constructeurs tels que
BMW, Volkswagen,
Ford et General Motors ont suivi. Aujourd'hui, la capacité d'un véhicule à recevoir des mises à jour logicielles OTA devient un point de différenciation majeur. En 2023, on estimait que 20 à 30% des nouvelles voitures étaient capables de recevoir des mises à jour OTA, et ce chiffre devrait rapidement croître avec l'adoption des SDV.
En outre, une architecture électronique moins complexe simplifie la production, la maintenance et la gestion des composants. Et dans ce dernier, la garantie de l'interopérabilité des composants est le deuxième grand enjeu de l'architecture centralisée. Elle permet d'ajouter ou de remplacer facilement des composants sans avoir à modifier l'ensemble du système. Elle garantit également que la connectivité, les systèmes d'infodivertissement et de conduite autonome peuvent communiquer efficacement entre eux. C'est précisément là que la tech rencontre l'automobile pour passer du matériel au logiciel. En avril, BMW annonçait la signature d'un
accord avec l'indien
Tata Technologies pour former une coentreprise chargée de développer des architectures logicielles automobiles. Les constructeurs automobiles utilisent des composants tiers aussi bien pour le matériel que pour les logiciels, ils doivent donc collaborer avec des entreprises de la tech pour garantir que les mises à jour sont compatibles avec les composants intégrés.
Toutes ces mutations amorcent l'avènement d'un modèle économique de plus en plus tourné vers les services et les mises à jour continues. L'évolution des Software-Defined Vehicles reflète un changement fondamental dans la conception automobile, où les mises à jour logicielles et les services connectés deviendront des moteurs clés de la valeur ajoutée pour les consommateurs et les constructeurs. Alors que l'industrie automobile s'aventure vers ce nouveau modèle, l'architecture logicielle centralisée et le numérique émergent comme la clé de voûte sur laquelle reposent des opportunités inégalées de croissance et de différenciation dans cette révolution technologique en marche.
Par Pascal Malotti, Global Retail Strategy Lead & Strategy Director chez Valtech
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Par Pascal Malotti, Global Retail Strategy Lead & Strategy Director chez Valtech, écrit le 24/10/2024