La multiplication des systèmes de contrôle autonome des véhicules devrait améliorer la sécurité sur les routes dans les années à venir.
Pour autant, lors d'une conduite assistée, la reprise en main du véhicule en situation à risque mérite une attention particulière du conducteur.
La
conduite assistée génère des
temps de réaction plus longs et une
baisse du niveau d'éveil en condition d'assistance à la conduite.
Une
étude menée en laboratoire par le Centre d'investigations neurocognitives et neurophysiologiques (Ci2N) de Strasbourg mesure la capacité des automobilistes à reprendre le contrôle de leur véhicule équipé d'un régulateur de vitesse adaptatif et d'une assistance au maintien dans la voie de circulation.
L'étude révèle un
allongement du temps de réaction et des
risques de perte de trajectoire avant une complète reprise en main du véhicule.
Réalisée sur
simulateur de conduite, l'étude consistait à demander à 60 sujets d'effectuer un trajet autoroutier de 53 kilomètres.
A partir du 10éme kilomètre, les
conducteurs devaient activer et maintenir en permanence les outils de contrôle longitudinal (régulateur de vitesse adaptatif) et transversal (contrôle de trajectoire). Ils pouvaient reprendre le véhicule en main s'ils estimaient que la situation le nécessitait. Deux scenarii successifs survenaient sur le parcours :
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Scenario 1 : au 23éme kilomètre, un camion suivi par l'automobiliste sur la voie de droite se déporte sur la voie de dépassement pour contourner une zone de travaux. Le système d'assistance à la conduite ne détectant pas cette zone, l'automobiliste doit reprendre le contrôle sur le véhicule circulant à 110 km/h pour éviter les cônes et le fourgon d'intervention. Ce scenario a pour objectif de tester la réactivité des conducteurs lorsqu'ils délèguent une fonction à un système d'assistance à la conduite (la régulation de la vitesse et de la distance inter-véhicules).
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Scenario 2 : au 43éme kilomètre, sur une voie présentant une courbe, l'automobiliste est averti par messages visuel puis sonore de la désactivation par décision du véhicule du mode automatique de maintien dans la voie de circulation et doit reprendre la main pour maintenir sa trajectoire. Ce scenario a pour but d'évaluer l'effet que peut avoir la confiance dans les systèmes d'assistance à la conduite sur la distraction et l'hypovigilance des conducteurs.
Quel que soit le système d'assistance, lorsqu'une fonction de conduite est déléguée au véhicule, les temps de réaction sont plus que doublés par rapport à une conduite sans assistance. Dans le cadre de cette étude, en mode de régulation de la vitesse et de la distance inter-véhicule, le temps de réaction est de 2,2 secondes en moyenne, soit 67 mètres parcourus à 110 km/h. Cela représente 30 mètres de plus que pour un temps de réaction normal (compris entre 1 et 1,5 secondes).
En cas de désactivation du système de maintien dans la voie de circulation (scenario 2), le temps de reprise en main du véhicule en toute sécurité (c'est-à-dire le délai entre l'action sur les commandes du véhicule après alerte et le réajustement complet de sa trajectoire) est de 4,5 secondes en moyenne, soit plus de 130 mètres parcourus. Ce temps va jusqu'à 6 secondes pour les personnes de plus de 60 ans. Malgré les alertes visuelle puis sonore, ce délai important peut être le signe d'un état d'hypovigilance du conducteur lié à la conduite semi-assistée.
Les mesures de somnolence (objective - puissance spectrale des oscillations cérébrales - et subjective - échelle de mesure du niveau de fatigue de Karolinska) indiquent une
baisse de l'éveil dès 10 minutes, soit 2 fois plus rapide qu'en conduite sans assistance pour l'ensemble des conducteurs.
L'analyse des trajectoires et des actions sur les commandes (volant, frein, accélérateur) a montré des
réflexes inappropriés : plus d'un conducteur sur 4 (27%) ont donné un coup de volant dans le mauvais sens.
Dans le premier scenario, ces réflexes n'ont pas permis aux conducteurs d'éviter la zone de travaux : plus d'1/3 des conducteurs (35%) sont entrés en collision avec des cônes de balisage et 10% avec le fourgon d'intervention situé en aval.
Dans le second scenario, les conducteurs ne sont pas parvenus à maintenir une trajectoire optimale pour leur sécurité et celle des autres usagers de la route. En moyenne, les véhicules se sont déportés de 1,25 mètre.
D'après le Pr.
André Dufour, Directeur du Ci2N de Strasbourg, « Les résultats de cette étude montrent à quel point une action motrice qui demande une planification et exécution complexe peut nécessiter un temps long lorsque le cerveau doit d'abord se désengager d'autres tâches dites de distraction. »
Pour
Marc Rigolot, Directeur Général de la Fondation MAIF,
« Les véhicules à conduite déléguée partielle permettront indéniablement d'éviter certains accidents mais sont encore loin d'être autonomes et peuvent générer chez les conducteurs un phénomène de surconfiance et d'hypovigilance. Or, cette étude le montre, il est indispensable de rester concentré sur la conduite pour gérer des situations d'urgence, par nature peu prévisibles. »Méthodologie :
Réalisée sur un simulateur de conduite, cette étude a porté sur 60 sujets répartis en 3 groupes de 20 conducteurs, différenciés en fonction de leur âge : les 20-30 ans dits « jeunes », les 40-50 ans dits « quadragénaires », et les plus de 60 ans dits « seniors ». Chaque groupe était constitué d'autant de femmes que d'hommes. En bonne santé et bonne condition physique, ils satisfaisaient aux conditions d'attention et de vigilance nécessaires à la réalisation de l'étude : pas de prise de médicaments, de privations de sommeil, d'exercices physiques intensifs la veille, de
consommation d'alcool dans les 48 heures précédant l'expérience.
Les sujets devaient réaliser un trajet sur autoroute de 53 kilomètres. Le trajet débutait sur une aire d'autoroute avant de se poursuivre sur voie. Les dix premiers kilomètres étaient réalisés sans activation du mode autonome du véhicule. A partir du 10ème kilomètre, les conducteurs devaient activer et maintenir en permanence le système de conduite autonome. Ils pouvaient reprendre le véhicule en main s'ils estimaient que la situation sur la route le nécessitait. Aux 23ème et 43ème kilomètres, deux scénarii survenaient, respectivement la défaillance et la désactivation du système de conduite autonome. Dans le premier cas, alors que le véhicule approchait d'une zone de travaux, le sujet devait reprendre le contrôle sur le véhicule lancé à 110 km/h pour éviter la collision avec les plots et le camion de chantier, non détecté par le système de contrôle longitudinal. Dans le second cas, lancé sur une trajectoire non-rectiligne, le sujet était averti par messages visuel puis sonore de la désactivation du système de contrôle transversal par le véhicule.
Source: étude du Centre d'investigations neurocognitives et
neurophysiologiques (Ci2N) de Strasbourg pour la Fondation Vinci
Autoroutes et la Fondation Maif.