L'Union européenne a considéré que les
véhicules électriques étaient la seule solution viable pour réduire les
émissions polluantes des voitures particulières.
Pourtant, les
émissions de CO2 des moteurs thermiques peuvent être réduites par l'hybridation.
Et la hausse continue de la puissance et du poids des véhicules ne demandent qu'à être cadrées dans une règlementation appropriée.
L'objectif étant de réduire à zéro les émissions du parc
automobile, il n'y a guère d'autres solutions sur le plan industriel.
Toutefois, les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont relevé
des problèmes tant du côté de l'offre que de la demande, qui pourraient mettre l'Union européenne dans l'impasse, tiraillée entre la stratégie du pacte vert pour l'Europe et sa souveraineté industrielle.
Les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont constaté que
l'industrie européenne des batteries est à la traîne par rapport à ses concurrents, qui pourraient court-circuiter la capacité de production de l'Europe avant même qu'elle soit parvenue à pleine charge.
Moins de 10 % de la capacité de production mondiale de batteries est basée en Europe, et la grande majorité d'entre elles sont fabriquées par des entreprises non européennes.
La Chine détient à elle seule 76 % des capacités mondiales.
« Les voitures électriques pourraient vraiment poser un double dilemme à l'UE, potentiellement tiraillée entre ses priorités écologiques et sa politique industrielle, d'une part, et entre ses ambitions environnementales et le porte-monnaie de ses consommateurs, d'autre part. » Annemie Turtelboom, Membre de la Cour des comptes européenne.
Autre nid-de-poule en perspective pour l'industrie européenne des batteries: sa dépendance extrême aux importations de ressources en provenance de pays tiers avec lesquels elle ne dispose pas d'accords commerciaux satisfaisants.
L'Union européenne importe 87 % de son lithium brut d'Australie, 80 % de son manganèse d'Afrique du Sud et du Gabon, 68 % de son cobalt de la République démocratique du Congo et 40 % de son graphite de Chine.
Au-delà du facteur contraignant des coûts liés à la dépendance aux importations de matières premières très demandées, bon nombre des pays d'origine sont instables politiquement ou présentent des risques géopolitiques pour l'autonomie stratégique de l'Europe.
Sans parler des conditions sociales et environnementales dans lesquelles ces matières premières sont extraites.
Les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont également souligné que, malgré des aides publiques importantes, le
coût des batteries produites dans l'Union Européenne reste beaucoup plus élevé que prévu. Cela nuit inévitablement à la compétitivité du secteur par rapport à d'autres acteurs mondiaux, ce qui pourrait se traduire par la mise sur le marché de véhicules électriques européens à des
prix inabordables pour une grande partie de la population.
Depuis que les auditeurs de la Cour des comptes européenne ont publié leur rapport sur les batteries, les ventes de
voitures électriques neuves semblent avoir connu une forte hausse en Europe (1,5 million d'immatriculations l'année dernière, soit 1 nouvelle immatriculation sur 7).
Toutefois, des études récentes ont montré que ces ventes étaient subventionnées par les pouvoirs publics et concernaient principalement des véhicules à plus de 30 000 euros.
Une part importante de ce coût est liée aux batteries, dont le prix peut atteindre la somme astronomique de 15 000 euros en moyenne sur le Vieux continent.
En résumé, si la capacité et la compétitivité de l'Union européenne n'augmentent pas de manière significative, la «révolution de l'électrique» en Europe risque d'être tributaire des importations et de nuire, en définitive, à l'industrie automobile européenne et à ses plus de trois millions d'emplois manufacturiers.
Pour réussir son pari ambitieux d'un parc automobile « zéro émission », l'Europe a misé sur les véhicules électriques à batterie.
Toutefois, l'Union Européenne doit concilier le pacte vert non seulement avec la souveraineté industrielle, mais encore avec l'accessibilité financière pour les consommateurs.
Il est urgent d'agir pour donner les moyens à l'industrie automobile européenne de produire des voitures électriques sur une grande échelle à des prix compétitifs, tout en sécurisant l'approvisionnement en matières premières.
Source: Cour des comptes européenne. Rapport spécial 15/2023 de la Cour « La politique industrielle de l'UE en matière de batteries – Un nouvel élan stratégique est nécessaire ». Les données citées proviennent principalement de l'Observatoire européen des carburants alternatifs (EAFO), de l'ICCT (International Council on Clean Transportation) et de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA).
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