La logique des ZFE (Zones à Faibles Emissions) repose sur celle des normes Euro : une amélioration progressive des
performances des véhicules équipés de moteurs thermiques.
Mises en place en 1992, les normes Euro fixent des
niveaux maximums d'émission pour différents polluants.
Les niveaux maximums d'émission polluante seront progressivement abaissés au fur et à mesure que les performances des véhicules s'amélioreront.
Les normes Euro 1 de 1992 sont remplacées par les normes Euro 2 en 1996, les normes Euro 3 en 2000
et par les normes Euro 6d en janvier 2020.
Ces normes sont censées accompagner et encourager une évolution des constructeurs et des équipementiers
automobiles.
Les ZFE ont quant un
objectif complémentaire, à destination des automobilistes :
accélérer le renouvellement du parc automobile pour diminuer les émissions polluantes. C'est-à-dire
faire acheter plus de voitures aux consommateurs.
A l'époque, cette démarche pouvait sembler être une bonne idée. Le Diesel Gate et les études qui ont suivi, ont mis en évidence les différences majeures entre les émissions « théoriques » des véhicules sur les bancs d'
essais au moment de leur homologation et les émissions en conditions réelles.
L'affaire du Diesel Volkswagen, et les multiples affaires de fraude ou de manipulation qui ont secoué le secteur automobile à partir de 2015, mettent à bas le principe même des ZFE.
La commission d'enquête du Parlement Européen sur la mesure de la pollution dans le secteur automobile, réunie après le scandale Volkswagen est sans équivoque :
« Les données ont (
) révélé que la réduction des émissions de NOx attendue à la suite de l'entrée en vigueur des normes Euro successives n'a pas été observée pour les véhicules à moteur diesel. (
) L'introduction des normes Euro 6, qui devait notamment contribuer à réduire les émissions de NOx, n'a entraîné aucune amélioration de la situation dans le cas de la plupart des voitures. L'entrée en vigueur de la limite plus ambitieuse de 80 mg/km pour les émissions de NOx a, de fait, creusé l'écart entre les émissions en laboratoire et les émissions réelles, ces dernières étant restées relativement constantes ces 15 dernières années. » (Source : Commission d'enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l'automobile (2016/2215(INI) - https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/a-8-2017-0049_fr.html#title1).
Le
décalage entre les émissions en conditions de test et les émissions en condition réelles a plusieurs explications. Certains constructeurs trichent. La plupart des constructeurs optimisent « légalement » les voitures pour les tests d'homologations. « Pour que le véhicule d'essai consomme le moins possible, les constructeurs peuvent surgonfler les pneus, ce qui limite la résistance, déconnecter l'alternateur pour éviter que la batterie ne se recharge pendant le test, utiliser des lubrifiants ultra efficaces ou scotcher les entrées d'air pour rendre la
voiture plus aérodynamique », explique la représentante du Réseau Action Climat, Lorelei Limousin. (Source : Le Parisien, https://www.leparisien.fr/archives/des-tests-d-homologation-tres-contestes-23-09-2015-5117457.php).
Les tests d'homologations n'ont pas été conçus de telle manière qu'ils reflètent les émissions en conditions réelles. Celles-ci peuvent être jusque 20 fois plus élevées que les valeurs dans les tests d'homologation pour certains modèles. En moyenne, selon l'ICCT elles sont 7 fois plus élevées ! (Source : ICCT, https://theicct.org/news/press-release-new-icct-study-shows-real-world-exhaustemissions-modern-diesel-cars-seven-times).
Depuis l'affaire du Diesel Volkswagen, les tests ont été modifiés.
Une étude récente, réalisée en conditions réelles, mesure les émissions en sortie de pot d'échappement, dans Paris. Les conclusions sont sans appel :
« Les véhicules diesel (
) montrent peu d'amélioration des standards Euro 2 à Euro 5, et les diesel Euro 6 ne montrent qu'un progrès modeste. En moyenne, les émissions des voitures Euro 6 sont seulement 18 % moins élevées que celles des très vielles Euro 2. (Source : True, ICCT remote sensing of motor vehicle emissions in Paris, 2019, https://theicct.org/sites/default/files/publications/true_parisrs_study_20190909.pdf).
D'autres paramètres s'améliorent, mais
le NO2 est le principal polluant pour lequel il y a des dépassements en zone urbaine.
Les insuffisances des tests d'homologation ne sont pas la seule cause de ces mauvais résultats.
Les
systèmes de dépollution des véhicules diesels, qui sont censés contribuer à l'amélioration des performances (filtres à particules et systèmes de type AdBlue),
présentent en conditions réelles des biais importants.
Les filtres à particules ne fonctionnent que dans une certaine fourchette de températures et donc pas au démarrage ou en hiver. ils doivent se « régénérer » régulièrement et recrachent à ce moment des quantités importantes de pollution.
Les systèmes de type AdBlue peuvent être déconnectés frauduleusement ce qui permet des économies pour les chauffeurs mais multiplie par 20 les polluants libérés
Un second point est problématique. Alors que, pendant des décennies, les voitures à essence émettaient extrêmement peu de particules, les moteurs à injection commencent à ressembler aux diesels qui en étaient, jusqu'à présent, seuls responsables. Les réglementations accompagnent cette évolution.
Avec les normes Euro 6b, les véhicules essence sont autorisés à émettre 6.10 particules par kilomètre, soit 6 000 milliards de particules ! Dix fois plus que les véhicules diesel ! (Cette valeur sera rabaissée à 6.1011 par la suite).
Troisième difficulté,
les normes Euros ne portent pas (pour l'instant) sur les particules les plus fines, PM1 et PM0,1.
Certains éléments font penser que les émissions n'ont pas diminué, voire qu'elles ont même augmenté au fil des modifications des motorisations.
Un dernier point concerne
l'entretien des véhicules. L'écart entre les émissions d'un véhicule bien entretenu et d'un autre qui ne le serait pas peut être considérable. La seule manière de le savoir serait de le mesurer lors du contrôle technique. Cette variabilité n'est pas prise en compte par les ZFE.
Le cœur du raisonnement qui soutient la mise en place des ZFE, celui d'une amélioration progressive des performances des moteurs thermiques, est tout simplement faux.
Source: Institut Brunoy - Pour une écologie des solutions - Septembre 2021