Le secteur des transports responsables de moins de 20% des émissions de particules
Une forte
pollution aux particules touche plusieurs régions françaises depuis quelques jours amenant certains Préfets à prendre des mesures particulières comme la réduction de la vitesse de circulation de 20 km/h sur les grands axes routiers.
Cette alerte à la pollution aux particules fines est l'
occasion de rappeler que le secteur des transports au sens large (train, bus, camions, poids-lourds, véhicules utilitaires, véhicules utilitaires légers, deux roues,...) contribue effectivement aux concentrations de polluants mesurées dans l'air, mais que
la part du transport dans les émissions de particules est de moins de 20%.
En effet, selon un récent rapport du
Citepa (Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique), les principaux secteurs responsables sont la transformation d'énergie par l'industrie (31%) ; la combustion de bois pour chauffer les habitations (30%) ; l'agriculture avec l'utilisation d'engrais (20%) ; et les transports, notamment du fait de la combustion de diesel (15%).
Ainsi le
carburant diesel, tant décrié par certains mais toujours plébiscité par les automobilistes, est
responsable de 15% des émissions de particules.
Par contre, en zone urbaine, les particules issues des moteurs diesel représentent environ 40% de la pollution particulaire.
Par ailleurs, s'il existe
des éléments en faveur d'effets délétères sur la santé des particules issues des moteurs diesel il faut nuancer ces données.
Tout d'abord, parce que
depuis 1993, soit depuis 20 ans,
les émissions directes de polluantes en sortie de pot d'échappement des véhicules ont été fortement réduites avec l'introduction de la norme Euro.
Tout les 4 à 5 ans, la norme Euro révise les seuils à la baisse afin de rendre
les véhicules de moins en moins polluants.
La norme actuellement en vigueur sur la
pollution automobile, depuis le 1er septembre 2009, est la
norme Euro 5. Elle a remplacé la norme Euro 4 en vigueur depuis le 1er janvier 2005.
Pour réduire la pollution
automobile, la norme Euro 5 révise à la baisse
les émissions de monoxyde de carbone (CO2), d'hydrocarbures (HC), d'oxyde d'azote (NOx), de particules et d'hydrocarbures non méthaniques (HCNM) des
voitures particulières essence, gaz naturel,
GPL et diesel.
Pour les véhicules diesel, la baisse des particules est de 80%.
La norme Euro 5 prévoit les émissions suivantes en g/km:Véhicules essence, gaz naturel et GPLMonoxyde de carbone (CO2): 1 g/km
Hydrocarbures (HC) : 0,1 g/km
Oxydes d'azote (NOx) : 0,06 g/km (soit une réduction de 25% par rapport à la norme Euro 4)
Particules (pour les voitures à injection directe essence fonctionnant en mélange pauvre) : 0,005 g/km (nouvelle norme Euro 5)
Hydrocarbures non méthaniques : 0,068 g/km (nouvelle norme Euro 5)
Véhicules dieselMonoxyde de carbone : 0,5 g/km
Oxydes d'azote (NOx) : 0,180 g/km (soit une réduction de 28% par rapport à la norme Euro 4)
Hydrocarbures (HC) et Oxydes d'azote (NOx) : 0,23 g/km (soit une réduction de 23% par rapport à la norme Euro 4)
Particules: 0,005 g/km (soit une réduction de 80% par rapport à la norme Euro 4)
Dans le cadre de la norme Euro 5, le
filtre à particules (FAP) est obligatoire de série sur tous les véhicules particuliers diesel à partir du 1er janvier 2011.
Le filtre à particules
retient près de 100% des particules émises, qu'il s'agisse des particules fines (<2500 nm soit 2,5 µm) ; ultrafines (<100 nm) ou les nanoparticules (< 50 nm).
Et ce n'est qu'une étape.
La
norme Euro 6 s'apprête à rentrer en vigueur. Tous les véhicules équipés d'un moteur diesel auront l'obligation de réduire leurs émissions d'oxydes d'azote de manière importante. Les émissions provenant des voitures et des autres véhicules destinés au transport seront
plafonnées à 80 mg/km (soit une réduction supplémentaire de plus de 50% par rapport à la norme Euro 5).
Les émissions combinées d'hydrocarbures et d'oxydes d'azote provenant des véhicules diesel seront également réduites, pour être plafonnées, par exemple à
170 mg/km en ce qui concerne les voitures et autres véhicules destinés au transport.
La norme Euro 6 sera applicable à compter du
1er septembre 2014. Tous les nouveaux véhicules devront respecter cette norme pour pouvoir être immatriculés en Europe. Un délai supplémentaire d'un an est prévu pour les véhicules de transport de marchandises et les véhicules conçus pour satisfaire des besoins sociaux spécifiques.
Techniquement, les constructeurs
automobiles ont réglés la question des particules polluantes sur la motorisation Diesel, avec
l'optimisation de la combustion, la suralimentation, l'injection directe, le filtre à particules et les pièges à NOx.
Mais compte tenu de l'évolution lente du parc automobile, le problème des particules sera véritablement réglé pour l'ensemble du parc
entre 2020 et 2023.
Didier Bollecker, Président de l'Automobile Club Association salue les énormes efforts de l'industrie automobile grâce auxquels plus de 90% de la pollution a été éliminée depuis 20 ans et déplore
« qu'on privilégie les seules mesures de restriction automobile. »Didier Bollecker, ajoute
« Le renouvellement du parc automobile et par conséquent la dépollution du parc diesel passera indéniablement par une aide financière au remplacement des véhicules anciens ».D'un point de vue sociétal, l'automobiliste est un membre de la collectivité nationale. Quelle que soit la part réelle de la circulation
routière dans les
émissions polluantes, ou celle de l'impact réel des particules sur la santé, il est nécessaire de choisir un comportement citoyen : respect des limitations de vitesses, choix approprié du mode de mode de transport, véhicules bien entretenus, etc.
Pour autant, il serait inefficace de se focaliser uniquement sur la circulation routière ou de vilipender les
conducteurs de véhicules anciens.
Concernant le chiffre de
« 42000 morts » imputés à la pollution atmosphérique (et particulièrement aux particules fines) que l'on entend régulièrement, il convient d'en rappeler le contenu scientifique.
Le chiffre de « 42000 morts » imputés aux particules, repris en boucle par le personnel politique, représenterait donc 8% des décès annuels en France.
Ce chiffre provient de la Commission européenne. Il est issu du
rapport publié en 2005 par le programme CAFE (Clean Air for Europe, "Air pur pour l'Europe") (http://www.cafe-cba.org/assets/baseline_analysis_2000-2020_05-05.pdf). Les chercheurs ont étudié l'impact sanitaire des particules fines, ces éléments en suspension dans l'air d'un diamètre inférieur à 10 micromètres voire 2,5 micromètres (les PM10 et PM2,5), qui pénètrent dans le système respiratoire et provoquent de nombreuses pathologies, surtout chez les personnes fragiles.
Cette étude a été publiée en 2005. Elle indique pour la France 480 000 années de vies perdues et 42 090 décès prématurés.
Plusieurs
précisions méthodologiques sont à apporter:
Dans l'étude CAFE, les mesures des concentrations de particules fines dans les différents pays européens ont été réalisées en
1997. Les résultats finaux de l'étude ont été rehaussés de 25% afin d'être ajustés à l'année 2005 (date de publication).
L'étude épidémiologique (celle qui démontre un lien entre particules et santé) qui a servi de base au programme CAFE a été menée auprès d'
1,2 million d'Américains entre 1982 et 1998. Cette étude américaine avait alors conclu que chaque hausse de 10 microgrammes de PM2,5 par mètre
cube d'air (µg/m3) entraînait une augmentation de 6% du risque de mortalité due à des maladies chroniques. C'est ce coefficient de 6% qu'a retenu le programme CAFE.
Le chiffre de 42 000 morts prématurées par an imputés à la pollution atmosphérique, établi il y a une quinzaine d'années, l'est-il encore aujourd'hui ? La réponse n'est pas évidente. Depuis 2000, les émissions de particules fines ont été réduites grâce à des normes plus strictes. Elles sont ainsi passées, selon le CITEPA, de 350 000 tonnes en 2000 à 250 000 tonnes en 2011.
Dans le même temps, les concentrations de particules sont restées plutôt stables.
Ainsi, dans l'agglomération parisienne, la concentration moyenne de PM10 était de 27 microgrammes par m3 d'air en 2011 contre 21 µg/m3 en 2000.
Quant aux concentrations de PM2,5, elles s'élevaient à 18 µg/m3 en 2011 contre 14 µg/m3 en 2000. Le Bilan 2011 d'AirParif précise néanmoins « nous avons changé notre méthode de calcul en 2007, ce qui a entraîné une hausse des valeurs moyennes annuelles de l'ordre de 30% ». AirParif indique « qu'il faudra encore attendre quelques années de mesures avant de pouvoir tirer de véritables conclusions sur l'évolution des concentrations en particules ».
En l'absence de travaux scientifiques récents sur le nombre de décès prématurés du à la pollution aux particules fines aujourd'hui, il est délicat d'avancer des chiffres.
Le chiffre de 42 000 morts prématurées par an imputés à la pollution atmosphérique, établi il y a une quinzaine d'années, tient-il compte des technologies désormais en vigueur ? La réponse est plus facile. En l'absence d'étude nationale récente, clairement non.
L'étude la plus à jour qui existe est celle issue du programme européen Aphekom, reprise par un rapport de l'InVS en 2012, qui a passé au crible 25 villes de l'Union européenne, dont 9 françaises.
Sur ce bassin de 12 millions de personnes, les experts ont conclu à des espérances de vie réduites, à 30 ans, de 3,6 à 7,5 mois selon les villes. Au total, ce sont 2 900 morts prématurées par dues aux particules fines qui pourraient être évitées si les concentrations moyennes annuelles de PM2,5 respectaient la valeur guide de l'OMS (10 µg/m3).
Les bases de données d'émissions qui ont servi de base à l'étude Aphekom datent de 2004 à 2006.
De plus, l'étude ne se fonde que sur 9 villes et l'InVS n'a pas fait d'extrapolation pour avoir un bilan global à l'échelle nationale.
Quelques voix discordantes relativisent assez clairement le risque lié aux particules sur les motorisations diesel de dernière généartion.
Le
Professeur Aubier, de l'Académie Nationale de Médecine, précise:
"En 20 ans, du fait des nouvelles technologies les émissions de particules du transport ont diminué de 39%. Alors que le trafic routier en France a augmenté entre 1990 et 2010, les émissions de PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 micromètres) ont diminué de 39% (48% pour les PM2,5 et 52% pour les PM1,0). Ces améliorations sont issues du renouvellement du parc automobile combiné à la réduction drastique des émissions de particules des véhicules neufs (-97% de PM10 à l'échappement entre les normes Euro 1 et Euro 5 imposées par l'Europe pour les véhicules Diesel). A l'échelle nationale française, 10% des émissions de PM10 (11% pour les PM2,5) en 2009 étaient issues du transport routier, derrière les secteurs du résidentiel/tertiaire, de l'industrie manufacturière et de l'agriculture/sylviculture."Sources: Automobile Club Association
Citepa (Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique)
Professeur Aubier, de l'Académie Nationale de Médecine