Le mois d'août est le mois le plus festif de l'année. Pour de nombreux jeunes
l'alcool est devenu indissociable de la fête. Aujourd'hui, les nuits d'ivresse sont plus fréquentes.
L'alcool
est en cause dans près d'un accident mortel sur 3 chez les jeunes.
En 2018,
503 jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans sont décédés dans un accident de la route et 13 293 ont été blessés. C'est la première cause de mortalité et de handicap des 15-25 ans. Les week-ends concentrent la moitié des accidents avec alcool. Deux tiers des accidents ont lieu de nuit (Source : ONISR).
L'alcool agit directement sur le cerveau, même à petite dose.
À partir de
0,5 g/l, les risques sont réels car :
- Le champ visuel est rétréci,
- La perception du relief, de la profondeur et des distances est modifiée,
- La sensibilité à l'éblouissement est plus importante,
- La vigilance et la résistance à la fatigue diminuent,
- La coordination des mouvements est perturbée,
- L'effet désinhibant de l'alcool amène le conducteur à sous-évaluer les risques et à surestimer ses capacités.
En France, il est interdit de conduire avec
un taux d'alcool dans le sang supérieur ou égal à 0,5 g/l de sang
(0,2 g/l avec un permis de conduire probatoire). En cas de contrôle,
les autorités de police sont autorisées à pratiquer des dépistages de
l'alcoolémie.
Lorsque l'on sait que l'on va consommer de l'alcool entre amis ou avec ses proches, il est facile d'adopter quelques réflexes pour éviter les risques sur la route.
1. Désigner un « conducteur sobre désigné » avant la soirée ou le déjeuner arrosé qui s'éternise : définir un « conducteur sobre désigné » qui ne boit pas est l'une des meilleures solutions pour être certain de rentrer en toute sécurité. Le « conducteur sobre désigné » est celui qui a son permis et « qui ne boit pas » pour ramener en vie ses amis après des moments festifs alcoolisés. Aujourd'hui, 89% des 15-26 ans s'organisent pour définir un « conducteur sobre désigné ».
2. Prévoir son sac de couchage : quand cela est possible, prévoir de rester dormir sur place.
Les idées reçues qui ne tiennent pas la route:Avoir l'habitude de boire diminue l'effet de l'alcool sur ses capacités.
Non. Boire régulièrement ne diminue pas l'effet de l'alcool sur ses capacités comme le temps de réaction, ou la
vision.
Diluer l'alcool diminue l'alcoolémie.
Non. Chaque verre consommé fait monter le taux d'alcool de 0,20 g à 0,25 g en moyenne.
Boire du café permet d'accélérer la baisse du taux d'alcool.
Non. L'alcoolémie baisse en moyenne de 0,10 g à 0,15 g d'alcool par litre de sang en 1 heure. Café, salé, cuillerée d'huile,
: aucune de ces astuces ne permet d'éliminer l'alcool plus rapidement.
Interview du Dr Jean-Pascal Assailly, psychologue, chercheur à l'institut Gustave Eiffel, expert au CNRS, et auteur de Homo Automobilis ou l'humanité routière.Comment et pourquoi les jeunes boivent-ils aujourd'hui ?
Dr Jean-Pascal Assailly : « On observe un changement du mode d'alcoolisation en France depuis une vingtaine d'années et surtout chez les jeunes. On a changé notre façon de consommer de l'alcool. Auparavant, la façon traditionnelle française, c'était une
consommation chronique quotidienne de vin. Aujourd'hui, les jeunes Français ont adopté plutôt un modèle anglo-saxon qu'on appelle le binge drinking. Une consommation plus brutale, les soirées de fêtes, souvent le jeudi et le samedi soir, et on ne boit plus de vin, mais de la bière et des alcools forts. Ce qui est recherché, c'est l'ivresse et le plus rapidement possible. Cela pose des problèmes et notamment de sécurité routière s'ils prennent le volant après. Ce qu'on remarque également, c'est que l'âge du début de consommation est de plus en plus précoce. La précocité de l'initiation amène à plus d'excès et de dépendance. L'âge d'apparition de la consommation régulière d'alcool est un puissant prédicteur de problèmes ultérieurs. Évidemment, les jeunes attendent quelque chose de l'effet psychotrope de l'alcool, des attentes positives comme la désinhibition ou la socialisation qui augmentent l'alcoolisation».
Pourquoi pour de nombreux jeunes l'alcool est devenu indissociable de l'idée de la fête ?
Dr Jean-Pascal Assailly : « Il y a plusieurs raisons. La première c'est ce qu'on a appelé la festivalisation de la société. Nos grands parents ne faisaient pas la fête tous les jours, il y avait des fêtes saisonnières, quelques jours par an, alors qu'aujourd'hui on s'aperçoit que la fréquence a fortement augmenté. Cela revient deux ou trois fois par semaine. Les nuits d'ivresse sont plus fréquentes, résultat d'une espèce de chronicisation de la fête. Il y a quelque chose aussi qui explique ce phénomène, c'est ce qu'on appelle dans notre jargon « les normes descriptives » qui sont le résultat de « ce que je crois que les autres font ». Je me comporte alors comme je pense que tout le monde agit. Par exemple, beaucoup de gens se trompent sur la fréquence à laquelle les personnes de leur âge sont ivres. Puis, il y a aussi les « normes injonctives » « ce que je crois que les autres pensent quand j'ai tel ou tel comportement ». En réalité, c'est « ce que je crois qu'ils pensent », car je ne suis pas dans leur tête, je ne saurai véritablement jamais ce qu'ils pensent. Par exemple, si je roule ivre, qu'est-ce que mes proches, mes collègues, mes amis vont penser ? C'est subjectif. En fonction de mes convictions, cela va orienter mon comportement. La prévention, c'est essayer de bouger ces normes pour modifier ce que les gens pensent des autres : tout le monde ne téléphone pas au volant, tout le monde ne roule pas à 180 sur l'autoroute, etc. ».
Est-ce que les jeunes perçoivent le risque de prendre le volant en état d'ivresse ?
Dr Jean-Pascal Assailly : « Pas tous. Il n'y a en cela pas de grandes différences avec les adultes. C'est ce que l'on appelle le biais d'optimisme. Pour me rassurer, je vais toujours penser que d'une part, l'accident va plutôt arriver au voisin, et d'autre part, je pense cela parce que j'ai plus de chance que le voisin, ou je suis meilleur conducteur. Les gens pensent qu'ils conduisent mieux que la moyenne. Ça leur fait penser qu'ils échapperont plus à l'accident. Cela joue sur la perception du risque. Parce que j'estime que le risque est moins fort pour moi que pour autrui. Après, les stéréotypes de sexe jouent beaucoup aussi : les filles perçoivent plus le risque que les garçons parce que justement les garçons pensent davantage qu'ils maîtrisent, qu'ils conduisent mieux, et qu'ils sont capables de conduire en sécurité en ayant bu. Cela joue sur le fait de prendre le volant ou pas. Aujourd'hui, ce qui est encore plus spécifique aux jeunes, c'est le mélange de l'alcool et du cannabis. Entre 15-25 ans, on peut à la fois prendre le dernier verre et fumer le dernier « joint ». Ce qui produit des états complètement dégradés : l'alcool renforce les effets du cannabis et le cannabis renforce les effets de l'alcool. Les risques sont donc multipliés, et les comportements altérés. Autre élément d'explication : contrairement à la vitesse qui s'affiche sur votre tableau de bord, le taux d'alcool est plus difficilement perceptible. Les gens font des estimations subjectives. Et, forcément, ces estimations peuvent être complètement faussées c'est-à-dire qu'on peut avoir des sous-estimateurs, des personnes alcoolisées dans le déni, des sur-estimateurs, et des personnes qui estiment précisément. En tout cas, pour tous ceux qui n'arrivent pas à juger correctement, le risque n'est pas perçu puisqu'ils pensent être en dessous du taux d'alcool autorisé ».
Source: Sécurité Routière